Si je viens en parler ici, c'est avant tout pour décomplexer celles qui pourraient souffrir de soucis similaires et qui n'osent pas en parler. C'est pour ça que je ne poste pas dans la section réservée aux vrais membres, je pense qu'au contraire mon témoignage doit pouvoir être accessible au plus grand nombre.
Mes poils et moi, pourquoi? Qui? Comment?
Tout commence il y a presque une dizaine d'années. À l'occasion d'un coup d'oeil rapide dans le miroir, je me rends compte que de longs poils noirs et épais me poussent sous le menton. À cette époque il n'y en a que 5/6. Mince, et si tout le monde les voyait et se moquait de moi? Déjà que j'ai du duvet sur les joues
Que se passe-t-il dans ma tête d'adolescente à ce moment-là, allez savoir... Toujours est-il que ces poils ne doivent pas rester, ils sont de trop, c'est eux ou moi!
Alors je prend le rasoir de mon père qui traine dans la salle de bains, et ni une ni deux, je mets un terme à ce malaise en otant ces parasites pileux.
Un geste que, dans les années à venir, j'allais devoir faire tous les jours...
À l'occasion d'une colonie de vacances, je me rends compte qu'en plus d'avoir des poils sur le visage, j'ai une pilosité bien plus élevée que la moyenne des filles: chez moi, rien n'est épargné: cuisses (devant et derrière), bas du dos, ventre, bras (je suis plus poilue que certains garçons-hommes), plat du pied, orteils, mains... J'ai l'impression, encore une fois, que tout le monde ne doit voir que ça de moi! Je cherche les solutions pour éradiquer ce problème, et n'en trouve qu'une seule: le rasoir.
Les années passent, je prends du poids, et un processus silencieux s'enclenche dans mon corps: plus je grossis, plus je produis de testostérone, plus mes poils poussent vite et drus, et plus je les rase, ce qui ne fait qu'entretenir la repousse.
J'en arrive à un point où je ne peux plus "suivre" au niveau du rythme: la seule partie de mon corps qui doit rester sans poils sera mon menton, point.
Cachée dans ma salle de bains (je vivais en couple à l'époque où j'en ai parlé sur VLR), je me rase le menton et le bas du visage tous les matins, sous la douche. Celui avec qui je suis à l'époque ne se doute de rien, je ne lui avouerai que plus tard, n'en pouvant plus des irritations et autres boutons qui sont devenus mon quotidien. Il me gratifiera d'un "Mon petit Roger!" (connard, quand j'y repense
) et ne voudra pas que j'en parle.
Manque de bol pour lui, j'en parle, oui, avec les gens de VLR: j'écris un grand post où j'explique à demi-mots ce qu'il se passe pour moi, et que je ne m'en sors plus, que le moindre rayon de soleil est une torture pour moi, parce que j'ai peur qu'aux yeux de l'autre il révèle un poil que j'aurai oublié, que je refuse que quiconque me touche le cou, les joues ou le menton, etc.
Suite à cela, une journaliste de "Ça se discute" me contactera pour que je témoigne dans une émission dont la thématique était "Comment vit-on quand on ne se sent pas féminine?".
Parce que non, je ne me sens pas femme. Ni homme. J'ai l'impression d'osciller, d'être un hersatz de transsexuel, qui se cherche. Trop hommasse et poilue pour être une femme, trop sensible et trop moi pour être un homme, je ne sais plus. Les années passées avec mon père ne m'aident pas, je sais que je me tiens "mal", que je n'ai pas les manières d'une femme, je ne sais pas me maquiller (personne ne m'a jamais montré), j'ai dû me débrouiller pour comprendre comment utiliser tampons et serviettes hygiéniques alors que cela fait des années que je n'ai plus mes règles, etc.
Ce passage dans l'émission sera une véritable claque pour moi, un tsunami personnel. Il boulversera tous mes repères; je m'en prends véritablement plein la tronche par les spécialistes présents sur le plateau et par Francis Perrin, qui me dit que je ne cherche que la compassion, que je suis égocentrique, et que finalement j'entretiens mon propre mal en ne perdant pas de poids.
Car oui, un spécialiste présent a mis en corrélation mon surpoids et ma pilosité: selon lui, c'est intimement lié. SI je maigris, mes poils pousseront moins vite.
Une personne qui témoigne dans le public me conseille l'épilation laser. Mais comment dire que je n'ai jamais osé avouer de quoi je souffrais, par peur d'affronter le regard de l'autre? Car oui, je sais que témoigner à cette émission est encore une fuite, pour moi: j'avoue mon problème, mais en ne supportant au final que des regards anonymes. Facile.
Et puis la vie reprend son cours, je rencontre une autre personne, qui accepte ma pilosité et refuse que je me rase (le bidou) car pour lui c'est un signe de violence envers moi-même duquel il refuse d'être le témoin. Compliqué pour moi de comprendre ce message, j'aurai préféré un "attends, je viens avec toi chez le dermato", m'enfin bon...
Et je rencontre mon mari. Encore une fois, je fais semblant de rien, j'ai beaucoup maigri et effectivement, les poils poussent moins vite, sauf ceux du visage qui sont toujours là et poussent comme une barbe. Nous nous voyons chaque week-end, ça me laisse la semaine pour être "impeccable".
Je me dis qu'il ne se doute de rien, et je me refuse à envisager même de lui avouer mon souci (toujours au niveau du visage).
Et puis un jour, alors que nous nous endormons, moi dans ses bras, il me dit, gêné... "Titefée, ça pique..."
J'avais le menton sur son bras...
Claque énorme pour moi, j'ai peur que notre relation ne prenne fin à cause de ça, mais décidement je suis tombée sur un mec bien, qui respectera surtout mon envie de ne pas en parler...
Et puis nous nous installons ensemble, et les vieilles habitudes refont surface: je ne peux pas me raser les jambes en permanence, je fais des allergies et ai la peau très fragile, j'ai toujours 6 rasoirs dans la douche juste pour mon visage, et par moment, sans m'en rendre compte, je me frotte le menton comme le ferait un homme, ce qui met le mien, d'Homme, complètement mal à l'aise. Au début il cauchemarde, me rêvant transsexuel, se réveille en pleurant. Je me sens mal, je ne sais pas quoi faire.
Et le temps passe...
Et nous nous faisons chacun à la situation, et tout continue: tous les matins, le rasoir, parfois la trêve le week-end pour laisser reposer ma peau, etc.
L'épilation laser, j'y pense toujours, je l'ai dans un coin de ma tête, mais à ce moment-là nous ne sommes vraiment pas aisés niveau finances, il est impossible pour moi de payer les séances (75 euro par séance chez la dermato où je me suis renseignée).
Et puis, comme un souvenir nauséabond que l'on jette dans un puits, j'oublie... Je laisse la place à la routine, sans réfléchir à mes gestes du matin, les considérant comme une normalité. C'est fou comme, encore une fois, je 'prends la fuite' sans en avoir l'air...
Et maintenant?
Maintenant je vais être maman, en plus d'être femme. Bientôt je tiendrais dans mes bras une partie de moi, une partie de lui. Ma plus grande peur, lui avoir légué mes gênes poilus. Et là, l'évidence: je ne veux pas que mon enfant voit que j'ai de la barbe, je ne veux pas qu'il ressente ma gène quand il voudra toucher les joues de sa maman, je me refuse à tout ça. Alors oui, je vais franchir le pas de l'épilation laser, maintenant que nos finances me le permettent. J'en ai marre de me pourrir la vie et l'existence à me demander si j'ai encore assez de rasoirs jusqu'aux prochaines courses, ou si 2 jours sans rasage seront suffisants pour laisser ma peau se réparer. Je ne veux plus avoir à me cacher dans la salle de bains.
Et pour mes cuisses, j'oserai aller chez l'esthéticienne. Oui.
Voilà, ce ne sont pas de bonnes résolutions, mais une réalité.
Aux personnes qui liront ce topic et qui se sentent concernées parce qu'elles souffrent du même problème, à savoir pilosité excessive, aménorrhée, surpoids, ne vous considérez pas comme les monstres que vous n'êtes pas. Vous avez juste quelques soucis hormonaux, tout comme j'en avais, qui ne vous empêcheront pas de devenir maman. Et oui, en parler ça libère d'un sacré poids, oui!
Courage à toutes!